Eric Zemmour et les croisades : fact-checking

Dans Destin français. Quand l’histoire se venge, son dernier ouvrage, sorti cet automne, Eric Zemmour parle abondamment de l’histoire de France. Si l’auteur prend soin de ne jamais se poser en historien, on ne l’entend pas moins affirmer dans un entretien au Point qu’il fait une « synthèse historique » et que « l’histoire n’appartient pas aux historiens ». Nous ne chercherons pas ici à disséquer la vision politique qui sous-tend son travail : d’autres le feront, et mieux que nous.

Nous nous contenterons de faire notre travail de médiévistes, donc de parler du chapitre qu’il consacre à la première croisade ; et notre travail d’historien.ne.s, qui est de nous concentrer sur les faits, la seule chose qui distingue un travail sérieux d’une compilation de fake news. Et pour la peine, en hommage au travail magnifique qu’ils font chaque jour, on emprunte leur visuel aux Décodeurs du Monde.

 

En parlant d’Urbain II, Éric Zemmour note  que « on n’apprend plus aux écoliers qu’il fut le premier à appeler à la croisade » (p. 64)

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Éric Zemmour reprend ici une idée reçue souvent avancée dans le débat public et dont l’un des plus illustres défenseurs est Dimitri Casali.

On ne parle pas de la première croisade à l’école primaire, en effet : mais on parle de Louis IX (saint Louis) en CM1, et le programme officiel précise qu’il faut l’aborder comme « un représentant de la chrétienté de son temps », notamment pour ce qui est de ses deux croisades. On imagine donc que les enseignant.e.s définissent, au moins rapidement, ce qu’est la croisade.

En 5ème, le programme d’histoire s’ouvre par un thème consacré à « Chrétientés et islam, VIe-XIIIe siècle : des mondes en contact ». Les croisades occupent une place fondamentale dans cette partie du programme.

Et enfin, en 2nde, le premier chapitre du programme d’histoire porte sur la vie religieuse dans l’Occident médiéval. La quasi-totalité des manuels (notamment le Nathan collection Le Quintrec et le Belin collection Colon, qui représentent à eux deux plus de 40 % du marché) consacrent une double-page à la première croisade, dans laquelle Urbain II est largement cité.

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La première croisade dans les manuels scolaires de 2nde (respectivement Nathan Le Quintrec, Nathan Cote et Hachette)

Bref, au cours de leur parcours scolaire, les « écoliers » ont eu au moins trois occasions d’apprendre qui était Urbain II : on est très loin d’une damnatio memoriae.

 

« Selon le mot du grand historien René Grousset, spécialiste reconnu des croisades… » (p. 68)

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René Grousset est, sans aucun doute, un spécialiste reconnu des croisades, et plus encore un grand historien. Éric Zemmour « omet » simplement de rappeler qu’il écrivait… dans les années 1930. Or, depuis, on dispose de très nombreuses nouvelles sources que Grousset n’avait pas : de nouvelles chroniques, notamment arabes, des recherches archéologiques, etc. Surtout, depuis, il y a eu de nombreux autres historiens qui se sont penchés sur les croisades : Joshua Prawer, Jean Flori, Jonathan Riley-Smith, Claude Cahen, pour ne mentionner que quelques défunts… Leurs travaux ont considérablement amendé et corrigé les vues de René Grousset.

En effet, celui-ci était très influencé par l’utopie coloniale de son époque. Son Histoire des Croisades et du Royaume Franc de Jérusalem sort en 1934, quelques années seulement après la grande Exposition Coloniale de 1931. Il cherche en réalité à faire des croisades le reflet idéalisé de la colonisation française du Liban et du Maghreb. Il insistait donc avant tout sur la bonne administration des Latins, sur les exemples de contacts apaisés entre Latins et musulmans, quitte à laisser de côté certaines sources. Bref, il s’agit d’une vision historique extrêmement orientée politiquement.

En outre René Grousset développe, au fil de son œuvre, une vision extrêmement pessimiste de l’histoire : il parle déjà d’invasion venue de l’Asie, menaçant la civilisation européenne – sauf qu’à l’époque il pense davantage au Japon et à la Chine, pas réellement au monde musulman…

 

« La vague islamique déferle… Les Turcs seldjoukides […] se sont jetés aussitôt sur l’empire byzantin […] Urbain II sait la suite, car il connaît le passé des invasions musulmanes » (p. 67)

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Carte - Le Proche-Orient en 1095

C’est le leitmotiv du chapitre : les Seljoukides menacent l’Europe, qui n’est sauvée que par la première croisade. Là encore, il s’agit d’une affirmation au minimum réductrice. Certes, les Seljoukides, une dynastie turque, relancent dans les années 1055-1075 une vague de conquêtes territoriales dont la manifestation la plus spectaculaire est la victoire de Manzikert, en 1071. Mais, en 1095, au moment où Urbain II appelle à la croisade, la dynastie seljoukide, à la mort du grand sultan Malik Shah, s’est déjà elle-même morcelée en plusieurs branches rivales, ce qui met un terme à ces entreprises conquérantes.

À l’échelle de l’ensemble du monde musulman, il faut rappeler que l’islam est alors extrêmement divisé, en plusieurs califats rivaux qui s’opposent souvent plus violemment les uns aux autres qu’ils ne s’opposent aux pouvoirs chrétiens. Ajoutons en outre que le jihad n’est pas du tout à l’ordre du jour à l’époque : au contraire, ce sont les croisades qui réactiveront, en Orient, un discours du jihad. Il est donc extrêmement fallacieux de parler de vague islamique, comme si l’islam formait un océan uni prêt à déferler sur l’Europe. Au moment où la première croisade atteint son objectif, les musulmans sont au contraire politiquement divisés et très surpris par l’irruption d’armées venant de l’autre bout du monde.

« La culture grecque, c’est l’Europe » (p. 67)

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ConquestOfConstantinopleByTheCrusadersIn1204
Prise de Constantinople en 1204

Deux contre-vérités dans une simple phrase. D’abord, cette « Europe » autour de laquelle Éric Zemmour construit tout son propos n’existe pas à l’époque : en particulier, le monde byzantin, de culture grecque, et le monde latin sont déjà largement distincts, voire opposés. À cet égard, il est très significatif de voir qu’Éric Zemmour gomme totalement la quatrième croisade (1204). Au cours de celle-ci, les croisés occidentaux finissent par prendre et par piller la ville de Constantinople elle-même.

À ce moment il existe de vraies tensions au sein de la Chrétienté et les Grecs sont perçus très négativement par les Latins, devenant l’incarnation de la perfidie, de la couardise et de l’avarice. Les Grecs, quant à eux, considèrent les Latins comme des envahisseurs dangereux, voire comme des barbares : la chronique d’Anne Comnène, fille de l’empereur Alexis Comnène, souligne bien que Grecs et Latins ne partagent pas la même culture.

De fait, l’Europe n’émerge véritablement comme concept que dans la pensée des humanistes au XVe siècle, qui, inquiets de la montée de l’Empire ottoman, vont opposer l’Europe chrétienne à l’Asie musulmane.

Deuxième erreur : l’assimilation entre culture grecque et l’Europe. En effet cette culture grecque – il faudrait d’ailleurs plutôt parler de culture gréco-romaine – a également été reçue par le monde musulman. C’est d’ailleurs, dans la quasi-totalité des cas, via des textes arabes que l’Occident latin va redécouvrir le corpus grec (les textes médicaux, scientifiques ou philosophiques, notamment Aristote).

L’affirmation d’Éric Zemmour ne sort pas de nulle part. Il semble en effet reprendre la vision avancée en 2008 par Sylvain Gouguenheim, qui provoqua à l’époque une très vive réaction du monde universitaire européen. En plus de sa vision politiquement orientée, l’auteur fut accusé d’avoir manipulé, voire inventé des sources pour soutenir ses idées.

 

« Depuis des siècles, l’Église s’est pourtant attachée à contenir les pulsions belliqueuses des seigneurs […] multipliant les « paix de Dieu » […] et autres « trêves de Dieu » » (p. 65)

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Affirmation maladroite pour le moins : la Paix de Dieu n’a été lancée que lors du Concile de Charroux, en 989. Au moment de la première croisade, ça fait donc 106 ans qu’elle existe, et pas « depuis des siècles ». En outre, à la suite notamment de Dominique Barthélemy, la tendance actuelle de la recherche historique est de relativiser l’impact de la paix de Dieu, pour souligner que la violence féodale était déjà extrêmement régulée et normalisée et que, dans une certaine mesure, diverses institutions ecclésiastiques ont pu au contraire exacerber les violences locales.

 

« La croisade est une immense victoire. Une victoire française. Le salut de l’Europe chrétienne est venu de France » (p. 68)

« Godefroy de Bouillon était (pratiquement) français » (p. 71)

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Éric Zemmour confond volontairement le terme de Francs, qui désigne les croisés, et celui de Français. Il suffit d’en revenir aux sources, qui affirment clairement le caractère plurinational des troupes de la première croisade : le chroniqueur Foucher de Chartres, qui a participé à la croisade, parle ainsi d’« une multitude infinie parlant des langues différentes, et venue de pays divers ».

Il mentionne notamment des Français, mais aussi des Italiens, des Anglais, des Bretons, des Lorrains, des Normands, des Teutons, des Gascons, des Espagnols, des Bourguignons, des Provençaux,… Or tous ces peuples ne sont pas français et ne se définissent pas comme français : si certains finiront par le devenir (comme les Provençaux ou les Bretons), ce n’est que bien des siècles plus tard et il est donc extrêmement fallacieux de coller sur le XIe siècle des identités qui n’existent pas à l’époque. Godefroy de Bouillon, duc de Basse-Lotharingie, n’est « français » ni par la langue qu’il parle, ni par ses fidélités politiques (puisqu’il est vassal de l’empereur du Saint-Empire romain germanique).

Ce qui est fascinant, c’est que cette confiscation de la croisade par les Français et pour les Français commence dès l’époque médiévale. Un pèlerin allemand (Jean de Würzburg) note en effet vers 1170 que les Français ont, à Jérusalem, changé l’épitaphe de la tombe d’un croisé de la première heure, un Allemand bien connu, pour en faire un Français : avec colère, il rappelle que cette croisade a été faite par bien des peuples et que Godefroy de Bouillon et Baudouin, les deux premiers souverains de Jérusalem, étaient des « Franconiens » et pas des « Francs ».

Au XIXe siècle, une violente querelle opposa de même érudits français et belges, les deux cherchant à s’approprier la figure prestigieuse de Godefroy de Bouillon, dans un contexte de construction des identités nationales.

Éric Zemmour apparaît donc comme l’héritier de cette longue volonté de confisquer la gloire de la croisade, quitte à réécrire une épitaphe ou à fausser l’histoire.

 

« La croisade aura duré moins de deux siècles » (p. 68)

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Il est faux de parler de « la croisade », comme s’il s’agissait d’un mouvement unique. Durant toute la période médiévale, le pape lance des croisades en direction de la Terre sainte bien sûr, mais aussi de l’Espagne, de l’espace balte (croisades des Chevaliers Teutoniques), contre les Albigeois (les cathares) dans le Languedoc ou encore contre un ennemi politique en Occident… Il n’y a donc pas qu’une seule croisade.

En outre, Éric Zemmour confond (là aussi, volontairement) les États latins d’Orient et les croisades. Les premiers disparaissent en 1291, avec la prise d’Acre par les Mamelouks : notons cependant que le royaume de Chypre dure jusqu’en 1489. Par contre, les croisades, au sens strict de pèlerinage armé sanctionné par la papauté romaine, durent bien plus longtemps : des bulles de croisade sont promulguées en 1478, 1479, 1481, 1482, 1485, 1494, 1503 et 1505, pour soutenir la Reconquista espagnole ; puis très souvent au XVIe siècle contre l’Empire ottoman. L’esprit de croisade est très fort aux XVe-XVIe siècle et il joue un rôle clé dans le processus des « Grandes Découvertes » : c’est en pensant à la reprise de Jérusalem que Christophe Colomb part vers l’ouest. Et ce n’est qu’en 1847 que la papauté reconnaît officiellement que l’argent levé pour la croisade sera désormais utilisé pour l’entretien des églises, et non pour faire la guerre aux infidèles.

 

« Le pape Urbain II avait reçu la visite d’un Picard qu’on nommait Coucou Piètre, ou Pierre l’Hermite » (p. 65)

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Le surnom « Coucou Piètre » atteste d’une mauvaise lecture des sources : il est attesté chez la princesse byzantine Anne Comnène, sous la forme Κουκουπετρος, qui ne veut pas dire « Coucou Piètre », mais simplement « Pierre à la coule », autrement dit « Pierre au capuchon« … c’est à dire au fond Pierre le Moine. La forme « Coucou Piètre » se trouve chez plusieurs historiens du XIXe siècle, notamment chez Jules Michelet, que d’ailleurs Éric Zemmour cite juste après. Avec tout le respect dû à ce grand écrivain du XIXe siècle, il faut préciser que ce n’est pas une source de l’époque des événements (ce qu’on appelle une source primaire), mais un romancier qui écrit des siècles plus tard. Les historien.ne.s contemporain.e.s n’ont pas repris ce surnom que l’on ne trouvera jamais dans un bon livre d’histoire sur les croisades.

Pierre l’Ermite, en tout cas, a bien existé et il a joué un rôle fondamental durant toute la première croisade, même si sa visite à Urbain II n’est absolument pas attestée. Dans un bel article sur le sujet, Jean Flori note très clairement que la grande majorité des sources dont on dispose ne font de Pierre l’Ermite que le chef d’un des premiers contingents de la croisade. Il a probablement été un prédicateur très populaire, prétendant avoir reçu une vision divine ; mais il apparaît historiquement très peu probable qu’il soit à l’origine de la première croisade.

 

« On ne peut juger du bien-fondé des croisades qu’à la lueur de la chute de Constantinople devant les troupes turques en 1453 » (p. 69)

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Un.e historien.ne n’a pas à « juger du bien-fondé » de quoi que ce soit : son rôle n’est pas de distribuer bons et mauvais points ni de siéger dans une sorte de tribunal de l’histoire…

Plus grave encore, la méthode que propose Éric Zemmour s’appelle une approche téléologique : cela consiste à voir un événement en fonction de ce qui s’est passé après lui. C’est l’un des gros biais qui guettent toujours l’historien.ne, puisqu’évidemment, quand on raconte l’histoire, on en connaît la fin : on a donc toujours tendance, parfois inconsciemment, à considérer que les événements devaient forcément déboucher sur cette fin-là. Or un événement a des causes, puis des conséquences, dans cet ordre, et on ne peut pas lire un événement à partir de ses conséquences (ou, en tout cas, pas seulement).

Écrire que la première croisade ne se comprend que par rapport à la chute de Constantinople en 1453 peut sembler fondé : en réalité, c’est tout aussi absurde que si on écrivait « la politique fiscale du cardinal de Richelieu est entièrement justifiée par le krach boursier de 2008 ».

 

« L’affaiblissement de l’esprit de croisade ne fut pas une marque de progrès moral mais une preuve de décadence » (p. 70)

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Aux dernières nouvelles, la « décadence » n’est pas un outil d’analyse historique, mais un pur fantasme pseudo-historique, qui cache en réalité un jugement d’ordre moral. Il est donc faux de présenter cette affirmation comme une vérité générale : il faudrait écrire : « à mes yeux, l’affaiblissement de l’esprit de croisade est une décadence… ».

 

« Pour fonder et justifier leurs attaques meurtrières sur le sol français en 2015, les propagandistes du Califat islamique sonnèrent l’heure de la revanche contre les « croisés ». Cette appellation fit sourire nos esprits laïcisés et incrédules. Nous avions tort. Cette histoire longue est encore très vivante en terre d’Islam, alors que notre présentisme consumériste et culpabilisateur a tout effacé de nos mémoires » (p. 71)

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Contrairement à ce qu’écrit Éric Zemmour, on trouve bel et bien un discours de la croisade appliqué au monde contemporain en Occident : le 16 septembre 2001, George W. Bush parlait ainsi de la « croisade » contre le terrorisme. Le mot provoqua alors un tollé de protestations, notamment venu du monde musulman, et le président américain tenta de s’en excuser et de rattraper sa bourde. On aurait également pu citer le « bon mot » du général Gouraud, devant la tombe de Saladin à Damas en 1920 : « nous voilà de retour, monsieur le sultan ! » (probablement apocryphe, mais révélateur). En plus proche de nous encore, comment oublier qu’Anders Breivik, juste avant de tuer 77 personnes se présentait comme un Templier et un croisé… ?

Bref, il n’y a donc pas d’oubli occidental : le vocabulaire de la croisade n’a jamais véritablement déserté les imaginaires contemporains, en Orient comme en Occident. Depuis la période médiévale, il a sans cesse été reconvoqué, réutilisé, remobilisé, et gageons qu’il le sera encore pendant très longtemps.

 

Ce fact-checking a été conçu et écrit par Florian Besson et Simon Hasdenteufel, spécialistes des États latins en Orient.
L’ensemble d’Actuel Moyen Âge est solidaire de cet article.

Pour en savoir plus :

 

NB : la photo d’Eric Zemmour mise en une a été prise au Salon du Livre en 2012 par Thesupermat qui l’a mise à disposition sur Wikimedia. Merci à lui.

NB 2 : le dernier paragraphe est légèrement modifié le 28 septembre à 15h40, plusieurs lecteurs.trices nous ayant très justement fait remarquer que la tournure précédente (qui disait « c’est d’Occident qu’est venu un discours de la croisade ») était maladroite, voire fautive. Merci à eux/à elles.

NB 3 : le paragraphe sur Pierre l’Ermite est modifié le 2 octobre à 8 pour inclure une précision sur Anne Comnène.

80 réflexions sur “Eric Zemmour et les croisades : fact-checking

  1. Très intéressant, et grâce à vous je comprends enfin le mot « téléologique », qui est très clairement exemplifié.
    Je m’interroge sur l’ultime point : le rapport de Daech à l’imaginaire des croisades. Il me semble difficile d’en juger car notre vision de Daech est issue de ce que la communication de Daech nous destine à nous. Les jeunes gens qui partent en Syrie viennent de chez nous, et au fond, peut-être importent-t-ils au Moyen-Orient un imaginaire du rapport Orient-Occident où les croisades restent centrales, tandis que ce n’est pas nécessairement une obsession des pays à majorité musulmane. Je me pose la question mais je n’en ai aucune idée.

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  2. Merci pour les soutiens !

    @Jean-noël Lafargue (@Jean_no) : c’est une remarque intéressante, mais je pense qu’il y a bien un imaginaire spécifiquement oriental des croisades, qui n’est pas (ou pas uniquement) explicable par l’arrivée de jeunes occidentaux.les. Dès 1963, un historien musulman, Said Ashur, écrit un livre très influent dans le monde musulman qui compare les croisades aux conflits contemporains entre monde arabe et monde occidental…

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  3. Sur le dernier point je ne vois pas en quoi Zemmour a tort. Ce n’est pas parce que Bush a utilisé ce terme dans un de ses discours (de manière très maladroite il faut le dire) que Zemmour a tort. En plus, Bush n’a jamais pensé le terme croisade comme une lutte civilisationnelle entre l’Orient et l’Occident (la preuve en est qu’il a toujours été un soutien indéfectible de certaines monarchies du Golfe. Je pense plus précisément à l’Arabie saoudite).
    Et oui clairement, il existe une exaltation de la civilisation musulmane médiévale qui est très présente dans les milieux islamistes (et par islamistes j’entends pas seulement les terroristes). C’est ce qui les pousse à utiliser le terme croisés pour désigner les occidentaux.
    Il y a une obsession pour les croisades chez les islamistes qui n’existe pas en Occident. (C’est vrai que c’est rien comparé à leur obsession qu’ils ont pour les « sionistes »)
    L’extrême droite francaise est surtout obsédé par Charles Martel et non par les croisades.

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    1. À connaître un peu le monde musulman, je n’ai presque jamais entendu un musulman (ou un islamiste comme vous dites) parler des croisades ni de croisés sauf pour évoquer les cours d’histoire ou un film qui en parle (ah oui et dans le service marketing de Daech). D’ailleurs, les plus honnêtes affirment sans hésitation qu’un envahissement étranger n’est possible qu’à cause de la décadence et l’injustice interne en plus de la collaboration des hypocrites (comprendre les vendus).
      Par contre, la colonisation du 19 et 20ème siècle des pays concidérés sans civilisation, le conflit israelo-palestinien et l’ingérence répétée de certains pays occidentaux dans quelques pays musulmans est d’actualité, donc c’est tout à fait normal de l’évoquer dans les discussions avec les musulmans (et pour la colonisation, ils n’y voient pas toujours que du mal, ils y sont même parfois nostalgiques…)

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  4. @arnaudaron : on aurait du citer tout le passage d’Eric Zemmour, vous auriez tout de suite vu. En effet il y a, comme vous le dites très bien, une obsession de la croisade chez les islamistes, qui imprègne notamment tout le discours de Daesh.

    Mais E. Zemmour écrit en gros que « nous [= les Occidentaux de race blanche et de culture chrétienne] avons totalement oublié la croisade », et il pointe du doigt, dans un amalgame des plus confus, un « présentisme consumériste et culpabilisateur ». On citait Bush pour souligner que les Occidentaux n’avaient pas du tout oublié la croisade, ni hésité à s’en servir dans un contexte polémique, tout comme Daech (= je ne compare PAS Bush à Daech évidemment).

    On aurait également pu citer Anders Breivik, qui se présente comme un croisé et un Templier…
    (vous me direz « ok mais ce n’est pas l’extrême droite francaise » : ca reste quand même révélateur et souligne bien qu’il n’y a pas « d’amnésie » en Occident)

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    1. Vos critiques sont très tirées par les cheveux. Vous chercher la petite bête. Forcément votre site est orienté extrême gauche, comme les Décodeurs du Monde …

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  5. Hum… Je trouve tout de même particulièrement ironique que vous mentionniez une vision qui serait prétendument idéologique de l’Histoire, lorsque précisément tout votre article déploie une idéologie, attestée par les sources mêmes que vous mettez en référence (comme si, qui plus est, des sources arabes seraient plus neutres ; lorsqu’on connaît le niveau de recherche universitaire de cette partie du monde, cela laisse songeur !).
    Transparence ou naïveté, mais néanmoins révélatrice de cette propension contemporaine à croire que sa vision serait neutre lorsqu’elle est elle-même le résultat d’un prisme déformant.

    J’en veux pour preuve votre remarque s’inscrivant en faux contre la position d’Éric Zemmour considérant l’Europe comme le produit de la culture grecque.
    On notera en premier lieu que postuler que le monde musulman aurait reçu aussi la culture grecque ne change rien à la proposition d’Éric Zemmour. Les deux ne sont pas mutuellement exclusifs.
    Quelle est la part de la langue grecque dans l’arabe, par ailleurs ? Vous semblez, en outre, résumer le monde musulman à deux, trois penseurs, qui effectivement ont traduit Aristote.
    Alors même que Zemmour mentionne lui des logiques collectives et sociétales, c’est l’idée même de culture.
    Dire que le monde musulman (arabo-musulman, je présume, selon vous) serait de culture grecque est la chose la plus absurde qu’il m’ait été donnée de lire ! Du révisionnisme à l’état pur !

    Par ailleurs, la thèse de Sylvain Gouguenheim est évidemment contestable, comme toute thèse en Histoire ou dans d’autres disciplines, mais a été tout de même saluée par nombre de médiévistes, et pas des moindres, même lorsqu’ils n’étaient pas en accord complet avec celle-là, comme Rémi Brague, Jacques Le Goff, ou Serafín Fanjul.
    De plus, le propos de Gouguenheim n’est absolument pas celui de Zemmour. Ils parlent de deux choses différentes. Remarquons que l’affirmation de la redécouverte des textes grecs par les Occidentaux via les Arabes ne tient guère la route, mais ce serait bien trop long à développer ici.
    Affirmer également que la notion d’Europe fut postérieure au Moyen-Âge ne change rien à l’affaire non plus : bien souvent, la chose précède le mot concernant le réel.
    Tout comme c’est aller vite en besogne de faire une opposition entre le monde latin occidental et le monde oriental byzantin, héritier de la Grèce. Je vous rappelle que l’Empire byzantin est l’Empire romain d’Orient, et que le droit byzantin, comme les structures de l’Empire, étaient calqués sur Rome.
    Je vous accorde, toutefois, que l’Europe c’est la civilisation gréco-romaine, de tradition religieuse chrétienne faudrait-il rajouter pour être plus précis au vu de l’impact de cette dernière.

    Beaucoup de vos reproches à Éric Zemmour consistent à critiquer le fait qu’il prenne un parti (comme si vous n’en preniez pas…) alors que cela ne serait pas le propre de l’historien, alors même que par ailleurs vous notez qu’il ne se considère pas historien. Il faudrait savoir…

    Enfin, détail, mais cependant symptomatique tout de même : votre choix de l’écriture dite inclusive, malgré les critiques véhémentes de l’Académie française à ce sujet et tous les linguistes qui ont démontré l’absurdité linguistique d’un tel choix, est si révélateur de l’aspect idéologique de votre démarche !

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  6. @sebastiendecrevecoeur
    Cette réponse est, sans aucun doute, inutile : vous n’écrivez pas pour être convaincu, ni même pour apprendre. Après 30h à répondre à des dizaines de rageux plus ou moins trolleux, on est un peu fatigués… mais on continue quand même.

    Alors, reprenons dans l’ordre (ca va être long, mais il faut l’être)

    « Hum… Je trouve tout de même particulièrement ironique que vous mentionniez une vision qui serait prétendument idéologique de l’Histoire, lorsque précisément tout votre article déploie une idéologie, attestée par les sources mêmes que vous mettez en référence (comme si, qui plus est, des sources arabes seraient plus neutres ; lorsqu’on connaît le niveau de recherche universitaire de cette partie du monde, cela laisse songeur !) ».
    => on n’a jamais reproché à E. Zemmour de proposer une vision idéologique de l’histoire : c’est son droit ! Ce qu’on lui reproche, tout simplement, c’est d’appuyer cette vision sur des erreurs. Vous ne nous croirez pas, mais c’est pas grave : si demain un auteur qu’on aime, de gauche, sortait un livre défendant l’accueil des migrant.e.s (une cause qui nous tient à cœur) en manipulant les sources et en déformant l’histoire médiévale, on ferait exactement le même boulot qu’on fait pour le livre d’Eric Zemmour.
    Concernant votre remarque sur les sources : au-delà d’un bon brin d’islamophobie et de racisme culturel, cette remarque est simplement étrange. C’est bien toute la différence entre ce que fait E. Zemmour et nous : lui ne s’appuie sur rien d’autre qu’un historien de 1934, alors que je peux vous citer littéralement des dizaines de sources primaires, et des centaines d’articles/de livres de recherche, venant à l’appui de ce qu’on dit.

    « On notera en premier lieu que postuler que le monde musulman aurait reçu aussi la culture grecque ne change rien à la proposition d’Éric Zemmour. Les deux ne sont pas mutuellement exclusifs. »
    => chez E. Zemmour, si, clairement… Soyons au moins honnête : il n’écrit pas « l’Europe, c’est la culture grecque » (ce qui serait faux mais pourrait au moins se discuter) mais « la culture grecque, c’est l’Europe », ce qui revient à réserver à cette seule « Europe », jamais définie chez lui, le monopole absolu de cette « culture grecque » (qui n’est pas non plus définie). Ce qui est faux.

    « Quelle est la part de la langue grecque dans l’arabe, par ailleurs ? »
    => quel rapport ? Un legs culturel ne se mesure que par le nombre de mots qu’il laisse dans une langue ?

    « Vous semblez, en outre, résumer le monde musulman à deux, trois penseurs, qui effectivement ont traduit Aristote. Alors même que Zemmour mentionne lui des logiques collectives et sociétales, c’est l’idée même de culture. Dire que le monde musulman (arabo-musulman, je présume, selon vous) serait de culture grecque est la chose la plus absurde qu’il m’ait été donnée de lire ! Du révisionnisme à l’état pur ! »
    => Avec l’accusation de révisionnisme, on frôle le point Godwin, mais continuons…
    On n’a pas dit que le monde musulman était « de culture grecque » (il va falloir apprendre à lire les mots pour ce qu’ils disent). On a dit que c’était via des textes arabes, ou judéo-arabes, que l’Occident latin redécouvrait la culture grecque. Ce n’est pas une idée, une opinion, une idéologie : c’est un fait, qu’on peut donc prouver, sources à l’appui.
    En outre on ne résume pas à deux trois penseurs : c’est trop facile de citer Avicenne et Averroès… Là, on parle de centaines d’auteurs et traducteurs, qui, pendant quatre siècles, s’emploient méthodiquement à traduire du grec vers l’arabe des centaines de textes médicaux, scientifiques, pharmaceutiques, philosophiques.
    Et, avant que vous ne le disiez : oui, on sait pertinemment qu’un grand nombre de ces traducteur sont des chrétiens d’Orient (notamment des nestoriens), pas des musulmans. Mais là aussi, c’est l’un des biais de la vision d’Eric Zemmour : son « monde musulman », menaçant et agressif, est pensé comme un bloc. Au moment des croisades, les chrétiens d’Orient sont majoritaires en Anatolie, au Proche-Orient, en Egypte.

    « Par ailleurs, la thèse de Sylvain Gouguenheim est évidemment contestable, comme toute thèse en Histoire ou dans d’autres disciplines, mais a été tout de même saluée par nombre de médiévistes, et pas des moindres, même lorsqu’ils n’étaient pas en accord complet avec celle-là, comme Rémi Brague, Jacques Le Goff, ou Serafín Fanjul. »
    => Alors là, non, juste non. Le Goff avait pris la défense de Gouguenheim pour lui éviter des attaques ad hominem, qui ne sont jamais pertinentes (vous avez remarqué qu’on n’a pas dit « E. Zemmour est un… », simplement qu’il a tort). La thèse de Sylvain Gouguenheim n’est pas seulement « contestable » : elle a été méthodiquement démolie, point par point, par l’ensemble des spécialistes de la question, dans quinze pays différents.
    Je vous rappelle en outre que la susdite thèse reposait sur des manipulations de sources, voire de pure et simple forgeries. Citer S. Gouguenheim à l’appui de ce que dit E. Zemmour revient donc à citer un mensonge pour soutenir un mensonge…

    De plus, le propos de Gouguenheim n’est absolument pas celui de Zemmour. Ils parlent de deux choses différentes. Remarquons que l’affirmation de la redécouverte des textes grecs par les Occidentaux via les Arabes ne tient guère la route, mais ce serait bien trop long à développer ici.
    => Ce serait surtout absolument impossible, du moins en se basant sur les sources. Encore une fois, ce n’est pas là une idée, une opinion : c’est un fait, qui fait totalement consensus dans la communauté historique.

    Affirmer également que la notion d’Europe fut postérieure au Moyen-Âge ne change rien à l’affaire non plus : bien souvent, la chose précède le mot concernant le réel.
    => Certes. Et heureusement qu’on peut utiliser des mots avant leur date d’apparition : sinon, par définition, un livre d’histoire médiévale devrait être écrit en latin ou en ancien français… Je plaisante évidemment.
    Plus sérieusement, ce qui est problématique c’est précisément qu’E. Zemmour essentialise la notion d’Europe, comme si elle avait toujours existé, et toujours eu ce sens culturel qu’on lui donne ajd. En 1095, Urbain II ne parle pas d’Europe, il n’a pas ce mot en tête. Les sources de la première croisade (on parle de milliers de pages) n’emploient le terme que dans un sens géographique. Bref, les croisés ne se pensent pas comme des Européens opposés à l’Asie musulmane…
    Je me retrouve sur la défensive, alors qu’il faudrait inverser les rôles : prouvez-moi, sources à l’appui, qu’un croisé se définit lui-même comme un européen !

    « Tout comme c’est aller vite en besogne de faire une opposition entre le monde latin occidental et le monde oriental byzantin, héritier de la Grèce. Je vous rappelle que l’Empire byzantin est l’Empire romain d’Orient, et que le droit byzantin, comme les structures de l’Empire, étaient calqués sur Rome. »
    => Lisez les sources… Par exemple la très belle chronique d’Anne Comnène. On sent bien à quel point les Occidentaux sont, à ses yeux de princesse byzantine, des barbares, venus d’un autre monde. Ca ne veut pas dire qu’il n’y a pas de points communs : il y en a même énormément, dans le droit, la religion, etc. Mais ne parler que de ces points communs, pour fondre les deux mondes dans une « Europe » anachronique, en oubliant de parler des nombreuses différences, et en particulier en « oubliant » la quatrième croisade, n’est pas tout simplement pas correct.

    « Beaucoup de vos reproches à Éric Zemmour consistent à critiquer le fait qu’il prenne un parti (comme si vous n’en preniez pas…) alors que cela ne serait pas le propre de l’historien, alors même que par ailleurs vous notez qu’il ne se considère pas historien. Il faudrait savoir… »
    => Mais non, précisément, on n’a pas une seule fois critiqué le parti que prend Éric Zemmour ! On n’a pas écrit qu’il proposait une histoire islamophobe, raciste, homophobe, masculiniste, nationaliste, etc. Tout ça ce serait de l’interprétation de notre part ! Il a entièrement le droit de prendre un parti, ses idées sont les siennes, heureusement qu’il peut en parler et les défendre. On ne lui fait donc pas du tout un procès en objectivité et je vous mets au défi de trouver une phrase de notre part qui lui reproche de « prendre un parti ».
    On a simplement dit qu’il ne savait pas faire de l’histoire, qui est une science, tout comme être historien est un métier. Qu’on soit chirurgien.ne, kiné, gynéco, infirmier.e : quand on fait de la médecine, on se lave les mains, car c’est une règle du métier avec laquelle on ne transige pas. Qu’on soit historien.ne ou simplement, comme se présente en l’occurrence E. Zemmour, vulgarisateur historique (et si vous suivez un tout petit peu notre travail vous savez qu’il n’y a aucun mépris derrière ce terme, bien au contraire), c’est pareil : quand on fait de l’histoire, on se base sur des sources vérifiables, qu’on étudie à fond et qu’on croise. Sinon, dans les deux cas, le résultat est le même : on véhicule des maladies.

    « Enfin, détail, mais cependant symptomatique tout de même : votre choix de l’écriture dite inclusive, malgré les critiques véhémentes de l’Académie française à ce sujet et tous les linguistes qui ont démontré l’absurdité linguistique d’un tel choix, est si révélateur de l’aspect idéologique de votre démarche ! »
    => Comme toujours quand on n’a pas de véritables arguments, vous confondez la forme et le fond (ce que, là non plus, nous n’avons pas fait : est-ce qu’on a parlé du style d’Eric Zemmour ?). Les critiques de l’Académie comptent, je vous l’avoue, assez peu : cette vénérable institution n’a jamais fait partie des forces du progrès social… Mais j’imagine que vous suivez scrupuleusement toutes ces critiques véhémentes ? Et donc que vous ne dites jamais un job, un déodorant ou un parking ? Que vous n’avez jamais cuisiné avec du « curry », jamais « géré » une situation, jamais assisté à un « vernissage » ? L’Académie condamne fermement l’utilisation de tous ces mots…
    Oui il y a des linguistes qui trouvent ça absurde, mais je peux vous en citer autant qui diront que c’est nécessaire… Et c’est normal, car pour le coup, il ne s’agit pas d’un fait scientifique (donc il n’y a rien à démontrer..), mais d’une opinion, d’un engagement, personnel ! On comprend tout à fait que ça puisse vous déranger visuellement : perso, on déteste les sites où le texte n’est pas justifié (mais bon on lit quand même Le Monde !). On comprend entièrement que vous n’y voyez pas l’intérêt : on peut être féministe et contre l’écriture inclusive. Mais, svp, ne nous faites pas de faux procès : ce n’est pas parce qu’on met des –e à la fin des mots que notre démarche devient d’un seul coup « idéologique »…

    Une réponse bien longue : je suis sur twitter depuis hier, ça fait du bien de répondre en prenant un peu de place…

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  7. Bravo, magnifique exposé ! Seul reproche : l’emploi de l’écriture prétendument « inclusive », totalement absurde et inutile, puisque lorsque vous écrivez par exemple « historien », le féminin est déjà inclus, c’est prévu dans les règles de grammaire.

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  8. Je ne connaissais pas du tout cette période, elle est très intérressante ça a piqué ma curiosité !
    Par contre, quand je lis « d’historien.ne.s » j’ai franchement l’impression « d’entendre » un begaiement dans ma tete ! (bien que je sois pour le principe hein)

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    1. Tout à fait d’accord, cette éctiture abominable gâche l’ensemble, qui pourtant, est de qualité!. J’ai quand même fait l’effort de lire l’article jusqu’au bout, mais je suis sûr que je ne retenterai pas l’expérience, car j’en ai vraiment trop souffert !

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      1. Cette nouvelle mode d’écrire en mélangeant masculin et féminin c’est franchement du lourd à la lecture. Et puis ça fait Bobo qui se la joue égaliste mais sans que rien ne change au fond. Moi aussi j’ai renoncé à relire l’article à cause de cette écriture à la noix.

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      2. Désolé pour celles et ceux qui auraient été gêné (gênées) dans leur lecture par l’écriture inclusive : on le comprend, c’est une habitude visuelle à prendre.

        Quand les journaux ont commencé à passer sur internet, de très nombreuses personnes disaient que c’était « impossible » de lire de haut en bas (en « scrollant »), sans tourner les pages. Aujourd’hui on a pris l’habitude…

        L’écriture inclusive, c’est pareil, c’est une question de temps et d’habitude, et dans dix (ou vingt) ans ca ne choquera plus personne. C’est dommage, quoi qu’il en soit, si cela empêche de lire l’article : le fond et la forme ne devraient pas interférer (sinon, Dieu sait que peu de copies d’élèves, à tous les niveaux, seraient corrigées par leurs profs…).

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  9. « Bref, il n’y a donc pas d’oubli occidental : le vocabulaire de la croisade n’a jamais véritablement déserté les imaginaires contemporains »

    Eric Zemmour lui-même, en est la preuve.

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  10. heeuuu , je ne suis pas historien, ni même un lettré, mais j’ai de la mémoire … vous nous dite que Breivik , s’est présenté comme un croisé et un templier … as t’il été adoubé par des représentants croisés ou templiers officiels ? ( si cela existe…ou sinon sur facebook peut-être ? lol !)…par contre vous vous gardez bien de signaler qu’il se revendiquait : Franc-Maçon , photos à l’appuis …. du coup vous n’êtes pas crédible non plus, vous voyez , c’est hyper facile de décrédibiliser qui que ce soit, même pour un simple gars du peuple comme moi !

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    1. Je ne comprends pas bien votre point… Outre que Breivik aurait eu du mal à être « adoubé par un représentant templier officiel », étant donné que l’Ordre est dissous depuis plus de sept siècles, en quoi le fait qu’il ait pu se revendiquer franc-macon nous décrédibilise-t-il… ? On n’a pas fait un article sur la pyschologie de Breivik (Dieu merci), on a simplement souligné qu’en Occident aussi on trouvait un discours de la croisade associé à la violence (plus ou moins) religieuse.

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  11. « C’est d’ailleurs, dans la quasi-totalité des cas, via des textes arabes que l’Occident latin va redécouvrir le corpus grec »
    Vraiment ? Les arabo-musulmans ont transmis en masse les ouvrages « proto-scientifiques » greco-latins : Géographie, médecine, philosophie, etc…
    Mais, je tiens à vous rappeler que pour Homère, Thucydide, Tite-Live, Xénophon, Polybe, Plutarque, Cicéron, Ovide, Lucrèce, Diodore de Sicile, Arrien, tout le théatre grec tel Eschyle ou Sophocle, Lucrèce, Marc-Aurèle, code Justinien, Guerre des gaule de César, Juvénal, Sénèque… c’est soit par une transmission inter-occident ou par Byzance que tous ces auteurs nous sont parvenus.

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    1. Certes ; ces textes littéraires, certes important, sont en effet transmis par des canaux latins ou grecs. Cela dit, l’essentiel du corpus grec (vous citez beaucoup de latins ici), et notamment dans le domaine scientifique et médicale, passe par une médiation arabe ou judéoarabe.

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  12. Vous écrivez « Un.e historien.ne n’a pas à « juger du bien-fondé » de quoi que ce soit : son rôle n’est pas de distribuer bons et mauvais points ni de siéger dans une sorte de tribunal de l’histoire… »

    Soit.

    Dans ce cas, appliquez ce principe à vous même et n’utilisez pas le terme « bourde » (impliquant un jugement) pour commenter la déclaration de George W.Bush – qui appartient également à l’Histoire, certes récente. Par ailleurs, l’usage de l’écriture inclusive reste encore aujourd’hui connotée idéologiquement et politiquement. Elle apporte à ce titre une subjectivité superflue à votre article.

    Votre propre contradiction tend à prouver que votre assertion de départ est utopiste. Tout historien, vous compris, a des opinions, la prétendue objectivité scientifique n’existe pas même s’il faut tendre au maximum vers cette rigueur.

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  13. Pour l’écrite inclusive, on assume absolument ce choix d’écriture. Vous êtes libre de ne pas partager notre conviction qu’il s’agit là d’un combat important à mener, mais prière de ne pas nous faire un faux procès : ce procédé formel ne change rien au fond de l’article.

    Concernant la « bourde » de Bush, c’est en effet une tournure un peu maladroite de notre part, vous avez raison de le signaler : ce n’était pas nous qui parlions (comme si on avait dit « la bourde de Bush », ce qui aurait été en effet un jugement !), mais lui-même, qui a tôt reconnu qu’il s’agissait d’une erreur (https://www.nouvelobs.com/monde/20041026.OBS0075/bush-regrette-d-avoir-parle-de-croisade.html) et a ensuite veillé (du moins à ma connaissance) à ne plus employer le mot. Son gouvernement avait même émis un communiqué disant qu’il s’agissait d’un « lapsus ».

    Enfin, concernant votre argument de fond : on est entièrement d’accord, on ne prétend pas atteindre une « subjectivité » qui, plus encore qu’utopiste, est tout bonnement impossible, en histoire comme dans toutes les autres sciences (sociales ou non). On ne reproche pas du tout à E. Zemmour de faire preuve de subjectivité : il a le droit d’avoir ses idées et de les défendre ! La seule chose qu’on lui demande, c’est de ne pas commettre d’erreurs factuelles grossières, et de ne pas accumuler les mensonges et autres contre-vérités afin de déformer l’histoire. Entre un historien forcément subjectif (qui le sait et tente de contrôler ses biais d’observation au mieux) et un faux-monnayeur vendant des mensonges présentés comme des vérités, il y a quand même un hiatus, non… ?

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  14. J’ai lu votre article sur le site non-fiction (par l’intermédiaire de slate) et je l’ai trouvé très intéressant. Cependant, certains internautes ont soulevé plusieurs questions sur ce site. Comme je pense que vous n’irez pas sur ce site pour y répondre, je vous les joins.

    D’abord, concernant les turcs seldjoukides, vous soulignait bien la fragmentation du monde musulman. Cependant, vous ne vous attardez pas sur les motifs d’Urbain II pour lancer la première croisade. Or, une explication de ces motifs aurait donné plus de force à votre démonstration en contrepoint de la position de Zemmour qui fait reposer les motifs d’Urbain II uniquement sur une crainte d’une invasion musulmane.

    A propos du surnom de Pierre l’Ermite, un internaute a fait remarquer que ce surnom, Coucou-piètre, serait présent dans l’Alexiade d’Anne Comnène. Est-ce que cette source est bonne?

    Enfin, plusieurs internautes, élèves ou fans de Sylvain Gougenheim, disent que vous l’accusez sans raison sur la question de la manipulation des sources. Auriez-vous des exemples précis sur les erreurs et manipulations de Sylvain Gougenheim dans son Livre Ariste au Mont-Saint-Michel?

    Je m’excuse de vous rajouter du boulot mais je me sentais un peu seul à devoir porter la contradiction contre ces fans de Zemmour

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  15. florianbesson merci pour votre réponse et votre complément d’information sur la « bourde », je ne reviens pas sur le sujet.
    S’agissant de l’écriture inclusive, je respecte votre choix assumé mais je voulais justement vous faire part ma propre subjectivité de lecteur. Suivant l’adage de Victor Hugo « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface » je dois dire que ce choix a inconsciemment pesé sur ma perception de votre texte. Même si je n’y crois pas, l’écriture inclusive sera peut-être utilisée partout dans 50 ans, y compris dans les thèses- auquel cas plus personne ne la remarquera. Mais en 2018, elle n’est pas neutre et cela nuit inutilement à votre message en laissant supposer que vous êtes les militants d’une cause tout autant que des chercheurs. Le militantisme sous couvert d’objectivité c’est d’ailleurs un reproche que fait Zemmour… pourquoi prêter justement le flanc à sa critique alors que vous cherchez à le contredire, à raison, sur le fond ?
    Concernant Zemmour, je n’ai pas encore lu son livre et je ne conteste pas les erreurs que vous soulevez dans cet article ni votre démonstration pour rétablir des vérités historiques. En revanche, vous êtes bien exigeants ou naïfs si vous lui « demandez » la même démarche intellectuelle qu’un historien qui éviterait les « erreurs factuelles grossières ». Le fait est qu’il ne se présente pas comme un historien mais s’inscrit justement en opposition avec le milieu universitaire qu’il critique à longueur d’interviews. Il se revendique comme un idéologue, avec un parti-pris complètement assumé de personnage médiatique. En lisant son livre, on sait à quoi s’attendre, il n’y a pas de dissimulation, le message est connu dès le départ. Tout cela pour dire qu’il est dans son rôle tout comme vous êtes ici dans le vôtre, c’est le jeu.
    Je vois tout de même un avantage au livre de Zemmour : il parle d’Histoire. Certes, il en parle mal, mais il en parle et il place le sujet au cœur du débat public puisque son livre semble très bien se vendre. Vous-même, vous avez senti la nécessité de réagir en tant que chercheurs et je trouve plutôt stimulant que l’Histoire suscite encore débats et controverses, comme cela a toujours été le cas, y compris au sein de votre communauté scientifique.

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    1. Je lis ça et là que Zemmour ferait de l’histoire… Si c’est le cas, ben que voilà un historien qu’il est curieux… Parce que faire de l’histoire avec autant d’erreur… Moi j’y vois là plutôt une manière de diffuser ses principes, ses idées quelque peu limites… Certes il a le « droit » d’écrire ses idées et même de les défendre, sauf qu’il le fait en falsifiant l’histoire. Je ne pense pas que ce sont des erreurs factuelles, mais une volonté délibérée de faire coller l’histoire aux principes qu’il défend quitte à lui tordre le cou, plutôt que de corriger ses principes en regard des faits. Je le crois plus malhonnête que naïf, voilà tout.

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    2. Bonjour Pierre, merci de votre message !

      Honnêtement, je vais arrêter de me justifier sur l’écriture inclusive : déjà parce que ca me fatigue, ensuite parce que je suis historien et pas linguiste, re ensuite parce que c’est un truc important pour moi et que je n’ai pas à me justifier d’un choix personnel, mûri depuis des années, et enfin parce qu’on l’utilise couramment sur ce blog depuis des mois (arguments historiques à l’appui : https://actuelmoyenage.wordpress.com/2017/11/30/faut-il-dire-seigneur-e-lecriture-inclusive-au-moyen-age/ !) et que personne ne nous a jamais reproché d’être « idéologiquement biaisé » avant qu’on se mette à écrire contre E. Zemmour.

      Votre remarque sur son rôle est très intéressante. Certes, il n’a pas explicitement dit « je suis un historien ». Néanmoins, dans son introduction, il présente son livre comme un travail de résistance contre des « historiens professionnels », présentés comme des « mafieux », qui s’attacheraient à déconstruire l’histoire de France depuis des années. Il y a déjà là une confusion des rôles, bien dénoncée par Gérard Noiriel dans une belle tribune du Monde.
      Ensuite, notamment sur Amazon, quand on parcourt les commentaire des gens qui ont acheté on livre, on voit qu’il est lu comme un livre d’histoire : certains demandent même qu’il soit enseigné à l’école… Donc, là aussi, confusion : même si Zemmour ne dit pas « je suis un historien », les gens qui le lisent le lisent comme si c’était le cas. Voire même, dans une logique complotiste, le lisent en se disant « enfin la vraie histoire », contre la cabale des historiens islamobobogauchistes (étant entendu que ce blog est l’un de leurs bastions). C’est plus que gênant, ne serait-ce que d’un point de vue purement méthodologique : plus E. Zemmour multiplie les erreurs, plus on (un certain « on » en tout cas) le lit en pensant qu’il dit la vérité, puisqu’il dit autre chose que ce qu’on lit ailleurs.
      Je ne suis pas sûr du coup que, comme vous l’écriviez, « le mensonge soit connu dès le départ » : ou en tout cas, il n’est pas connu de tout le monde…

      Alors certes, il parle d’histoire, il met l’histoire sur le devant de la scène médiatique, etc etc. On entend ca à chaque fois qu’un brulôt pseudo-historique (du type, au hasard, une histoire de France par les stations de métro) sort (ou qu’un président fait une remarque maladroite sur l’histoire de France). Ce n’est, bien sûr, pas faux, même si ca ressemble furieusement à l’argument du « une mauvaise presse vaut mieux que pas de presse du tout ». Peut-être (je dis bien peut-être, n’en étant pas convaincu) que ca aura le mérite de rappeler à quelques personnes qu’il y a en France des historiens et historiennes professionnels/professionnelles, qui ont travaillé pendant des années pour acquérir les codes d’un métier et la maîtrise d’une science.
      Mais au fond je suis très mal à l’aise avec cette facon de voir les choses. Vous me pardonnerez l’argument par analogie : c’est un peu comme si on ne parlait de sport que quand il y a un scandale de dopage, d’égalité des sexes uniquement après une affaire de viol, ou de physique uniquement après une catastrophe nucléaire… Alors certes vous allez me dire que c’est un peu vrai : il a fallu attendre metoo pour vraiment parler des violences faites aux femmes. Mais je trouve ca un peu triste, et assez inquiétant, qu’on ne puisse parler et se parler que sur le mode de la réaction, précisément…

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      1. Bonjour Florian ! Je n’insiste pas sur l’écriture inclusive, j’ai compris que vous en faites un choix de principe sur ce blog même si je le déplore et que cela peut, à mon sens, vous desservir inutilement. Je n’espérais pas vous convaincre mais merci pour votre lien, très intéressant au demeurant.
        S’agissant de « Zemmour historien » et de l’apport de son livre, j’entends vos arguments.
        Je concède bien volontiers que le mensonge ne soit pas « connu de tout le monde » et que des lecteurs de bonne foi qui veulent en savoir plus sur l’Histoire soient induits en erreur par ce livre en le prenant pour un travail d’historien. D’où la « confusion ». Mais ces lecteurs de bonne foi sont rares, tant le personnage est déjà connu de tous, dans son cas précis. La plupart des personnes qui dépensent leur argent et leur temps pour ce livre vont y chercher ce qu’ils ont justement envie d’y trouver. Ils connaissent déjà la personnalité médiatique et adhèrent à ses idées. Zemmour prêche des convaincus et reste du « Zemmour ».
        A mon sens, son livre est plus un ouvrage idéologique qui cherche à fédérer un public, pas à vulgariser.
        Mais s’agissant des « brulôts pseudo-historique » comme le Métronome que vous suggérez ou les émissions vulgarisatrices de Stephane Bern, ils font pour moi également vivre l’Histoire. Je préfère cela à l’indifférence et à l’ignorance complète. Il est toujours mieux que le nom d’une station de métro évoque au citoyen une représentation historique (certes) biaisée plutôt que le néant absolu d’un quai sans nom où l’on passe tous les matins pour aller au boulot et sur lequel on ne se posera jamais de questions. La représentation historique déformée peut même contribuer indirectement à faire naître un intérêt pour l’Histoire chez des lecteurs/téléspectateurs qui pourront ultérieurement approfondir le sujet et mettre en perspective la thèse de départ (j’ai conscience que ce n’est pas le plus courant, mais cela arrive). Je ne suis pas enseignant, mais il me semble qu’il s’agit d’ailleurs de la démarche suivie dans l’approche pédagogique avec les élèves : d’abord attirer l’attention des enfants avec des images parlantes et des vérités simples (et parfois, de fait, biaisées) puis monter en complexité au fur et à mesure des années de scolarité en relativisant les images de départ.
        Je comprends qu’en tant que chercheurs professionnels, les mensonges ou les approximations vous hérissent mais je ne pense pas forcément que tout soit à jeter dans ces livres idéologiques ou vulgarisateurs, du moment qu’ils parlent d’Histoire. De mon point de vue c’est à vous d’en tirer le meilleur parti. N’est ce pas également l’un des rôles des historiens que d’éveiller chez les citoyens la conscience du passé ? Tout débat ou ouvrage portant sur ce passé peut donc vous être profitable pour faire passer votre message.
        A ce titre je pense que le « mode de la réaction » que vous évoquez peut d’ailleurs s’avérer bénéfique même si je reconnais qu’il est agaçant. De fait, en critiquant les « historiens professionnels » Zemmour les met indirectement en lumière. Au tour de ces historiens de saisir la balle au bond pour faire valoir leur point de vue et leurs recherches (ce que vous faites ici).

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      2. Pierre, je ne suis pas convaincu que laisser tranquille un discours faux n’aurait pas d’effet. Je pense au contraire qu’un tel discours est particulièrement nocif. D’abord parce que beaucoup de ceux qui lisent Zemmour n’ont pas de référence en matière d’histoire, et la lecture de Zemmour est agréable d’approche – hors on ne devrait pas sous estimer la force de séduction de ce genre de livre, et donc l’orientation idéologique qu’il impose à ses lecteurs pris au piège. L’essentiel d’un personnage comme Zemmour (qui rejoint là un Onfray) est dans sa force de séduction, et seulement cela. Dans le monde de l’image généralisée, les simples images se transforment en force de conviction d’autant plus redoutable que par là les images se retrouvent hors de porté de toute critique. Le langage de la critique devient incompréhensible; une NovLangue s’installe. L’histoire n’est alors plus comprise que sous forme de slogan zemmourien adapté au monde marchand qui nous vomi à chaque seconde des tonnes d’images, de mots, de faux dialogues, mais au bout, des vrais carnages de toute sorte, des vrais massacres. C’est en ce sens qu’il nous faut prendre la pleine mesure des agents du spectacle que sont les Zemmour, Finkielkraut, Onfray et autre de même engeance. Prendre la pleine mesure de leur nocivité.

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      3. en passant, je suis d’accord avec votre analyse sur la rhétorique Zemmourienne. En revanche, mon message n’était peut être pas clair, mais je n’ai pas du tout voulu dire qu’il faut « laisser tranquille » un discours faux, au contraire !

        Je disais que le discours faux existe, qu’il a tendance à prêcher déjà des convertis chez un Zemmour connu et clivant (donc séduction à relativiser car plutôt limitée à son « public », ceux qui l’exècrent, et ils sont nombreux, ne le liront pas), mais que ce discours faux peut avoir paradoxalement des « externalités positives » : susciter un éveil citoyen pour l’Histoire lorsqu’il est tenu dans les ouvrages type Métronome ou pousser les historiens à entrer dans le débat pour le contredire et faire valoir leurs recherches (et donc, justement, ne pas le « laisser tranquille »). Pourquoi pas un ouvrage complet de réponse à Zemmour produit par un collectif d’historiens qui démonteraient, comme dans cet article, ses mensonges et autres slogans ?

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      4. « Un ouvrage complet de réponse à Zemmour » : ce serait formidable évidemment…

        Mais resterait toujours la question de l’utilité d’un tel travail. Je prends un exemple.

        On nous a énormément renvoyé l’ouvrage de Sylvain Gouguenheim à la tête dans les « débats » autour de notre article. Or ce livre, un an à peine après sa sortie, a été entièrement déconstruit par deux ouvrages collectifs, un sur le plan scientifique (Max Lejbowicz dir., L’ Islam médiéval en terres chrétiennes: science et idéologie) et un sur le plan idéologique (Philippe Büttgen, Alain de Libera, Marwan Rashed et Irène Rosier-Catach (dir.), Les Grecs, les Arabes et nous. Enquête sur l’islamophobie savante). Et pourtant, 10 ans après, c’est toujours le premier livre qui est connu, cité, utilisé. Les réfutations (alors qu’elles sont excellentes !) n’ont eu aucun effet. Les gens ne les connaissent pas : PERSONNE n’a cité Lejbowicz sur twitter alors qu’on a du avoir des dizaines de commentaires disant « oui mais Gouguenheim a dit que… ».

        Bref on retrouve ce que vous disiez, Pierre, plus haut : la plupart des lecteurs et lectrices de E. Zemmour sont convaincus AVANT de lire le livre, et donc ne bougeront pas de leur opinion, quoi qu’on leur dise ou leur explique. En plus, réfuter un propos demandera toujours plus de place, de temps, de texte que de dire des bêtises : le discours faux a donc l’immense avantage de la simplicité, donc de la séduction, alors que le dire-vrai sera toujours, forcément, plus abrupt et plus exigeant. Pour le dire encore plus simplement : E. Zemmour va vendre deux millions d’exemplaires, une « réfutation », même collectivement portée, va en vendre 3000…

        Ce qui ne veut pas dire, évidemment, qu’il faille se résigner : si un éditeur nous lit, on est partants pour faire les chapitres de médiévale dans un « Pourquoi Eric Zemmour multiplie les erreurs historiques »…

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  16. Bonjour Palex ! Merci pour votre message.

    Si, on va répondre sur Nonfiction, on prenait juste notre temps (et un peu de repos…)

    Sur les motifs de la croisade. En fait c’est une question extrêmement controversée parmi les historiens, et il y a une énorme bibliographie sur le sujet. Pour le coup, il s’agit bien d’une interprétation, pas d’éléments factuels : c’est pour ca qu’on en a pas parlé dans l’article. Par exemple, on a longtemps dit que le pape y voyait une facon de débarasser l’Occident des chevaliers turbulents en les envoyant se faire tuer en Orient : ajd plus personne ne retient cette lecture.
    La présence des Seljoukides joue, sans aucun doute, tout comme joue la demande d’aide envoyée par Alexis Comnène. Peut-être que, comme l’écrit E. Zemmour, Urbain II pense aux invasions arabes du VIIe-début du VIIIe siècle : en tout cas, aucune source ne dit explicitement qu’il en ait parlé, donc c’est là une affirmation qu’il faudrait a minima nuancer.
    On a également mis en avant les nouvelles taxes que les Seljoukides imposent aux pèlerins à Jérusalem, taxes qui ont pu donner l’impression, en Occident, que les Lieux saints étaient « fermés ».
    Ajd, on avance d’autres motifs : on souligne notamment qu’Urbain II est un pape grégorien, et que cette expédition militaire lui donne l’occasion de se mettre en scène à la tête de la chrétienté occidentale, donnant des ordres aux princes et aux seigneurs… Il n’est pas impossible non plus qu’il ait pensé à une éventuelle réunion des Eglises (= christianismes d’Orient).
    Mais, encore une fois, il n’y a pas pour cette question de « vérité » qu’on pourrait atteindre : dès qu’on parle des motivations des acteurs, on est dans l’interprétation (plus ou moins fondée). Par contre il est faux de dire que les Turcs « déferlent » sur l’Europe, comme on a essayé de le montrer dans l’article.

    Sur Coucou Piètre : on a corrigé le passage ce matin pour intégrer la remarque 😉 La traduction en francais d’Anne Comnène écrit « Pierre à la Coule », surnom que je connaissais mais, ne parlant pas grec, je n’avais pas fait le rapprochement avec ce « Coucou Piètre ». Ca ne change rien au fond de l’argument puisque cette forme que reprend E. Zemmour vient directement de Michelet, les historiens contemporains écrivant « Pierre à la Coule » ou « Pierre au Capuchon ».

    J’ai également répondu sur Nonfiction concernant S. Gouguenheim, longuement. Je vous invite à voir cette réponse ; sans la reprendre dans son entier, je signale simplement que dans un ouvrage de réfutation du livre de S. Gouguenheim, de nombreux historiens et historiennes soulignent qu’il multiplie les affirmations loin des sources, qu’il cite des textes qu’il n’a pas lus, qu’il fait dire à des textes (sources ou biblio) le contraire de ce qu’ils disent vraiment… Autant de pratiques qui le font basculer du camp de l’historien à celui du « romancier » (on trouve le reproche en toutes lettres dans ce livre), donc du côté de l’invention.
    Comme je l’ai écrit sur Nonfiction, c’est un peu fatiguant de devoir encore parler de ce livre, plus de dix ans après sa sortie. C’est vraiment un débat qu’on espérait ne pas avoir à rouvrir…

    N’hésitez pas si vous avez d’autres questions ou d’autres curiosités !

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    1. Bonjour.

      Je vous remercie pour votre réponse.

      Effectivement, concernant Coucou-piètre, étant donne le terme grec, cela semble être une mauvaise traduction littérale de Michelet, traduction quasi-phonétique.

      Concernant Sylvain Gouguenheim, je ne suis absolument pas un fan ni un lecteur. En fait, j’ai souvent vu cette référence dans ce débat mais aussi dans d’autres. il s’agissait surtout pour moi d’avoir quelques « balles » pour répondre à certains zemmouriens sur non-fiction mais cela a moins d’importance puisque vous avez directement répondu.

      Autre chose. Concernant l’utilisation du mot « croisade » par Georges W Bush, j’avais soulevé l’idée dans la discussion sur non-fiction que ce terme viendrait davantage de la rhétorique évangélique que d’une référence historique. En effet, dans les milieux évangéliques, le terme « croisade » est utilisé pour tout campagne de prédication. On peut citer ainsi les campagnes de prédication du pasteur Billy Graham, dénommées croisades, mais aussi l’émission de radio du pasteur Billy James Hargis, Christian Crusade, dans les années 60. Ce n’est pas forcément un argument contre l’idée d’oubli de la croisade en Europe sinon que le discours de croisade étant surtout porté par des Eglises, il est normal que celui-ci disparaisse une fois que les Eglises l’abandonnent.

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  17. MESSAGE GLOBAL : on recoit de nombreux « commentaires » qui sont en réalité des insultes, plus ou moins déguisées (souvent très violentes), soit envers nous, soit envers Eric Zemmour.
    Nous bloquons ce genre de messages qui n’apportent rien au débat. L’appel à la violence et à la haine, peu importe la cible, n’est jamais une option envisageable.

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  18. Et bien dis-donc…
    Il y a deux ans lorsque j’ai découvert ce site, si on m’avait présenté la liste des articles à venir et que l’on m’ait demandé lequel ferait couler le plus de commentaires, je ne suis pas sûr que j’aurais eu juste. Je pense que j’aurais jugé plus brûlantes les questions touchant de près ou de loin à la famille, la sexualité, la place des femmes etc. puisque ce sont souvent ces sujets là qui font le plus s’écharper les gens tant on y trouve d’oppositions violentes entre ceux persuadés qu’on attaque des piliers de la civilisation quasi fondés en nature, et ceux persuadés qu’on n’en finit pas d’émanciper contre des déterminismes qui ne sont pas naturels.
    Un peu surpris donc… et pourtant, j’ai aussi l’impression que ce sont les mêmes lignes de fracture (et les mêmes clientèles de chaque côté des lignes) qui sont au centre de la polémique suscitée par cet article.
    Quand je lis certaines réactions – et surtout le ton qui les anime – je me demande parfois si nous ne vivons pas au bord du gouffre, comme si nous étions à qques jours des événements de Février 34 par exemple…
    Alors en attendant, longue vie au débat et à AMA !
    Peut-être que de s’écharper en mots évitera qu’on en vienne un jour à s’écharper dans la rue. (Mais j’en doute : même les plus bêtes et/ou méchants des commentaires lus ici reflètent encore une minorité civilisée en comparaison de tous ceux qui ne liront jamais un blog comme celui-ci mais qui seraient prêts à en découdre cagoules au crâne et batte de base-ball en main).

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  19. @ RT : merci pour le soutien ! Oui nous aussi on est surpris des réactions. Et encore, on coupe les commentaires les plus agressifs, ceux qui nous traitent d’islamogauchos, de pseudo historiens, et autres qualificatifs sympathiques qui témoignent, sinon forcément d’une « brutalisation » telle celle des années 30 à laquelle vous faites référence, du moins d’un climat pour le moins tendu.
    Quand on se dit qu’on n’a passé au crible qu’UN SEUL chapitre du livre d’E. Zemmour et qu’il faudrait le faire pour tous, on est fatigués d’avance… !

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  20. Je ne suis pas adepte d’Eric Zemmour. Cela étant, la qualité de votre argumentaire me surprend. Par exemple, la critique du passage « depuis des siècles, l’Église », dans lequel il ne s’agit que d’une amplification rhétorique…

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  21. Très intéressant, tout ça. Effectivement, au lieu de crier au loup, il faut l’attaquer élément contre élément comme vous le faites, éventuellement en plateau/studio. Mais, pour ça, il faut être invité à débattre avec lui (et s’entraîner au débat).

    Une remarque, cependant…
    Vous écrivez « Les historien.ne.s contemporain.e.s n’ont pas repris ce surnom que l’on ne trouvera jamais dans un bon livre d’histoire sur les croisades. »
    On ne trouvera pas non plus d’écriture inclusive dans un bon livre d’histoire, quelle que soit la période étudiée. 🙂

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    1. Bonjour,
      Je m’appelle Gauthier Morisse, je n’ai pas lu le livre de Zemmour et je veux bien croire qu’il soit orienté. Toutefois je trouve que votre réponse est elle même très orientée: il me semble que vous donnez votre avis plus que n’exposez des faits, que vous omettez ceux qui vous arrangent et que, sur au moins l’exemple suivant vos méthodes ne sont pas celles d’historiens.

      Exemple: votre critique de Grousset. Vous parlez de son « utopie coloniale » et ceci et cela. C’est la mode de critiquer Grousset. Mais ailleurs comme ici aucune citation d’aucune de ses oeuvres pour illustrer la critique. Je ne dit pas que la critique est injustifiée, mais je dis que sans fait, sans exemple, alors vous ne montrez rien à part qu’il ne suffit pas d’avoir un diplôme pour être historien. Je n’ai pas lu le bouquin de Grousset de 1934, mais je lis son Épopée des croisades de 1936, j’arrive seulement à la deuxième croisade et je peux témoigner que Grousset relate tous les crimes commis par les Croisés, du massacre d’Antioche à celui de Jérusalem ou des égarements de nombreux personnages chrétiens sans jamais idéaliser quoique ce soit.
      Vous parlez de travaux plus récents faits par d’autres historiens tel que Jean Flori. Un travail plus récent peut être de meilleure qualité ou pas, orienté ou pas. En l’occurence Jean Flori, aux travaux forts intéressants, est très orienté politiquement. Par exemple dans « la première croisade » il présente les arabes sous un jour très tolérant « on est bien incapable de trouver de tels exemples chez les chrétiens ». Jean Flori oublie que, par exemple, dans les états latins d’Orient les musulmans ne subissaient pas les persécutions des dhimmis. Autre exemple: Jean Flori dit dans le même bouquin, en faisant référence aux massacres de Juifs par les croisés, qu’on avait pas vus de pogroms en Europe depuis plusieurs siècles. Pourtant en 1066 les autorités musulmanes de Grenade ont fait massacrer 4000 juifs… René Grousset, Jean Flori… bien des historiens sont orientés et après tout c’est dans la nature de l’homme de l’être. Je le suis moi même très certainement. Je ne suis qu’un amateur sans diplôme d’histoire mais je cite des faits pour illustrer mes propos. Vous avez des diplômes mais pas de fait pour attaquer Grousset.

      Il y aurait bien d’autres choses à dire sur votre article, je viens de lire votre « faux » sur la « déferlante musulmane » et je trouve que vous frôlez le révisionnisme. Cependant je voudrais vous laisser l’opportunité de répondre à ma première critique avant de me lancer dans celle là, car je n’aime pas spécialement débattre tout seul…
      Cordialement,

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      1. Bonsoir,

        On répond toujours, dès lors que c’est dit calmement !
        Vous avez raison sur le fait que tous les historiens sont « orientés » : on ne dit évidemment pas le contraire ! L’important est dès lors de bien préciser quelle est leur orientation (pour le dire autrement : de dire d’où ils parlent).

        Sur « les méthodes qui ne sont pas celles d’historiens ». L’article devait être court, pour être lu, et donc on n’a pas cité systématiquement tout ce qu’on aurait pu citer. Mais évidemment on a les sources, les références et la bibliographie en tête et sous la main… La preuve plus bas.

        En l’occurrence, vous aurez noté qu’on « n’attaque » pas du tout Grousset, contrairement à ce que vous dites : c’est un grand historien, qui a beaucoup oeuvré en son temps à une meilleure connaissance de l’Orient latin (et on le dit !). Simplement, Eric Zemmour le présente 1/ comme un historien d’ajd, sans jamais donner ses dates et 2/ comme un historien « caché » aujourd’hui par les méchants historiens gauchistes, alors qu’évidemment c’est un auteur lu, cité, critiqué, et pas du tout occulté suite à on ne sait quel complot (rhétorique complotiste que manie Zemmour tout au long de son livre).

        Sur la question de l’idéologie coloniale de Grousset, puisqu’ici c’est ça que vous contestez, c’est évident, et d’autant plus qu’il l’assumait pleinement. La comparaison croisade-colonisation est omniprésente dans son oeuvre : il intitule par exemple la conclusion de son Que sais-je sur les croisades (1944) « la croisade, première colonisation européenne ». Bien plus qu’un simple mot, il compare explicitement les deux. Au hasard de son oeuvre, un passage que j’utilise dans un article de recherche terminé il y a deux jours (preuve qu’on n’a pas décidé de « cacher » Grousset !) : René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem, tome 1, L’anarchie musulmane et la monarchie franque, Paris, Perrin, 1991 [1934], p. 287 : l’auteur note que « ceux des conquérants Francs qui étaient restés en Syrie s’adaptaient de jour en jour et donnaient naissance à un peuple nouveau et à un esprit colonial », avant de s’extasier en soulignant « quel manifeste colonial plus éclatant qu’un tel passage, inséré par Foucher de Chartres sous la rubrique des années 1120 ? » ; une page plus loin, « dans ce premier quart du douzième siècle, une Nouvelle-France s’était constituée au Levant, et, avec une rapidité et une vitalité surprenantes, avait solidement pris racine dans le milieu indigène ».

        Outre qu’apparaît explicitement le terme « colonial », et même l’expression de « manifeste colonial », clairement dans un sens positif, le mot même de « Nouvelle-France » est extrêmement connoté. On peut ajouter que Grousset est un fervent catholique, qui développe une vision providentielle de l’histoire…

        Encore une fois, le but n’est pas du tout de l’attaquer ! Mais vous voyez qu’on ne peut pas l’utiliser sans de solides précautions, passant au minimum par un rappel précis du contexte dans lequel il écrit. Ce que E. Zemmour ne fait jamais, volontairement bien sûr…

        Votre critique de Flori, par contre, est beaucoup plus fragile. Les massacres de communautés juives en Rhénanie en 1096 sont en effet les premiers pogroms de l’histoire, ce qui n’exclut pas qu’existe auparavant ni un antijudaïsme diffus, ni des poussées de violence populaire, comme en effet à Grenade en 1066. La différence (si ça vous intéresse, je vous renvoie aux travaux de D. Nirenberg et, surtout, de Mark Cohen) c’est que la violence à Grenade est dirigée contre des dhimmis qui ne respectent pas leur position, pas contre des juifs en eux-mêmes (la différence est subtile mais cruciale pour comprendre le statut des juifs en chrétienté et en terre d’islam).

        Si vous voulez d’autres éclaircissements sur d’autres points de notre article, ce sera avec plaisir ; toutefois, pour éviter tout malentendu, je préfère préciser : il ne s’agit pas d’un « débat » (qui supposerait que s’affrontent deux opinions), puisque nous réfutons ici un certain nombre d’erreurs, en s’appuyant sur des sources et de l’historiographie. Bref, d’un côté il y a des faits, de l’autre des erreurs (ou au minimum des approximations), et le rapport entre ces deux points ne peut pas être celui d’un débat.

        Cordialement,

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  22. Bonjour Florian,

    Je vous remercie pour votre réponse rapide, très appréciée. Je reconnais que mon ton semblait emporté. C’est involontaire et je vous pris de m’excuser, j’ai une façon d’écrire un peu cash et j’ai du mal à faire autrement, mais je vais y travailler!

    Je tiens à rappeler que je n’ai pas contesté votre point de vue sur Grousset mais la manière dont vous l’avez présenté. Je comprends que vous n’avez pas beaucoup de place dans votre article, mais une toute petite citation est toujours une solide défense contre ceux qui peuvent accuser de parti pris (comme moi dans mon précédent post haha).

    En tout cas merci d’avoir pris le temps de développer ce point: votre réponse est appuyée sur des citations de l’auteur lui-même, ce qui suit une démarche scientifique et donne de l’écho à votre point de vue, que je sois d’accord ou non.

    Je tiens aussi à préciser que je n’ai pas lu les travaux de Zemmour et que je ne suis pas en mesure de les juger, à part les citations que vous présentez. Je sais juste qu’il n’est ni impartial ni historien et pour cette raison si je lisais ses travaux sur les croisades alors je serais particulièrement critique, tout comme je le suis quand je lis ceux d’Amin Maalouf.

    Merci pour les références de D. Nirenberg et Mark Cohen, c’est avec curiosité que je m’y intéresserai.

    En revanche je trouve cela hautain de dire que ma critique de Flori « est beaucoup plus fragile ». Vous auriez pu dire « je ne partage pas votre point de vue », car ni la publication de livres ni les années d’études ne permettent de prendre toute la mesure de l’esprit.
    En l’occurrence ma critique de Flori est solidement ancrée sur la définition du terme pogrom:
    -Selon Larousse: «Émeute sanglante dirigée contre une minorité ethnique ou religieuse.»
    -Selon le trésors National de la langue française : « Soulèvement violent allant souvent jusqu’au massacre, organisé contre une communauté juive ».

    Que s’est-il passé à Grenade en 1066? Une population (ici musulmane) s’est insurgée contre une minorité ethnique (ici juive) et l’a massacrée. Ça s’appelle un pogrom. Je pense que Jean Flori tout comme vous êtes dans l’erreur en affirmant que les premiers pogroms sont ceux de 1096.

    Mais au fond, ce désaccord sur le terme ne me semble pas important. L’important c’est que, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, des exaltés religieux ont massacré à la même période des civils désarmés, des femmes et des enfants. L’horreur reste la même.

    Le problème c’est que des historiens, comme Jean Flori, en jouant sur les mots, peut être même sans en avoir conscience, font croire à une population globalement inculte que les chrétiens étaient les pires de tous. Ce poncif participe à créer de la haine contre les chrétiens, qui sont victimes d’une dangereuse mode discriminatoire, particulièrement en France et dans les pays occidentaux. Bien sur il y a aussi d’autres auteurs, peut être comme Zemmour, qui encouragent à l’inverse la haine contre les Musulmans.

    Je pense que Jean Flori aurait dû nuancer son propos, et je partage le point de vue de Régine Pernoux, qui a compris que l’impartialité dans l’approche de la croisade permettait la réconciliation des chrétiens, juifs et musulmans d’aujourd’hui. Elle disait un truc du genre: «On pourrait renvoyer le massacre commis par un camp à celui commis par un autre indéfiniment, on resterait alors bloqué dans une logique de choc de civilisation qui jetterait un voile opaque sur les milles étonnements qu’ont vécus ces peuples qui se rencontrent ».

    Quelques faits qui permettraient de parler des massacres de juifs sans sombrer sur l’écueil de l’un pire que l’autre:
    oLes Croisés ont tué plus de Juifs que les Musulmans (10 000 contre 4000 environ, toute correction bienvenue).
    oLes musulmans ont commis moins de massacres que les chrétiens.
    oLes Croisés ont fait plusieurs petits massacres, les musulmans un seul gros massacre.
    oLes autorités religieuses chrétiennes ont condamné les massacres et ont cherché parfois à protéger les Juifs, les autorités religieuses musulmanes n’ont pas condamné les massacres et les ont encouragés en pratiquant la discrimination (dhimmitude).

    Par cette énumération je cherche à montrer que chaque camp a pu être pire ou meilleur que l’autre selon la perspective. Cette approche pourrait permettre de réconcilier chrétiens et musulmans qui ont plus que jamais besoin de créer un lien social aujourd’hui. L’étude des croisades est trop souvent utilisée pour exalter les discordes alors qu’il pourrait être un excellent outil pour nous rassembler, tant ces rencontres sont fascinantes!

    Sinon auriez-vous des sources, articles, auteurs, etc… qui évoquent les conditions de vies des dhimmis en 1096 sous les Fatimides et les Seldjoukides? Je n’arrive à trouver de l’info que sur l’Espagne.

    Enfin je m’intéresse à la répartition de la population en Turquie et en Palestine en fonction de la religion et de l’origine ethnique à l’époque de la première croisade, auriez-vous des sources qui pourraient m’aider s’il vous plait?

    Je vous souhaite une bonne journée et une bonne continuation dans vos travaux,

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    1. Bonsoir Gauthier,

      Merci de votre réponse. Je ne suis pas d’accord avec tous les points que vous évoquez (parler de « mode discriminatoire » envers des populations chrétiennes en France me semble au mieux faux, au pire assez dangereux…), et il y aurait beaucoup à dire autour du thème de « pogroms » (je comprends que ça puisse sembler des distinctions artificielles mais vraiment il n’y a pas grand’chose à voir entre le massacre à Grenade en 1066, qui n’est pas motivé par un antijudaïsme, et les pogroms en 1096 en Rhénanie…), mais ce serait trop long pour ici. En tout cas, je m’excuse si je vous ai semblé hautain, ce n’était évidemment pas l’idée.

      Pour les dhimmis en Egypte ou en Orient, plusieurs titres :
      – Norman Roth, Medieval Jewish Civilization: an Encyclopedia, New York, Routledge, 2003.
      – Mark R. Cohen, Sous le Croissant et sous la Croix. Les Juifs au Moyen Âge, Paris, Seuil, 2009.
      – Shlomo D. Goitein, A mediterranean society: the Jewish communities of the Arab world as portrayed in the documents of the Cairo Geniza, cinq volumes, Berkeley, University of California Press, 1967-1988.
      – Marina Rustow, « The legal status of Dhimmi’s in the Fatimid East: A view from the palace in Cairo », dans The legal status of Dimmis in the islamic West. Second, eighth-ninth, fifteenth centuries, 2013, p. 307-332

      Pour les populations :
      – Richard Bulliett, Conversion to Islam in the Medieval Period: an Essay in Quantitative History, Cambridge, Cambridge University Press, 1979 (un peu daté mais utile).
      – plus récent, les travaux de J. Preiser-Kapeller (par exemple « Liquid Frontiers: A Relational Analysis of Maritime Asia Minor as a Religious Contact Zone in the Thirteenth-Fifteenth Centuries », dans Islam and Christianity in medieval Anatolia, 2015, p. 117-146).

      Vous souhaitant vous aussi de belles lectures (non zemmouriennes, autant ne pas perdre de temps !)

      Bien cordialement,

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  23. « La culture grecque, c’est l’Europe »

    Je ne suis absolument pas du tout d’accord avec votre analyse sur le monde Byzantin.
    Revoyez le concile de Florence de 1439 pour comprendre comment les romains d’Orient sont les instigateurs du début de la renaissance.

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  24. « Deuxième erreur : l’assimilation entre culture grecque et l’Europe. En effet cette culture grecque – il faudrait d’ailleurs plutôt parler de culture gréco-romaine – a également été reçue par le monde musulman. C’est d’ailleurs, dans la quasi-totalité des cas, via des textes arabes que l’Occident latin va redécouvrir le corpus grec (les textes médicaux, scientifiques ou philosophiques, notamment Aristote). »

    Gémiste Pléthon et Scholarios doivent se retourner dans leurs tombes lol
    Grace aux Byzantins que la bibliothèque Marciene de Venise et les Medicis ont profité de beaucoup des textes + ouvrages byzantins au 15eme siècle.
    Ils y avaient aussi beaucoup de latiniste à Constantinople sans être des unionistes des 2 églises.
    Sans parler des Etats latins d’Orient, des comptoirs commerciaux latins (Galata par exemple)….Les Médicis n’ont pas eu besoin des arabes pour découvrir ou redécouvrir tous ses textes.
    Y a toujours eu des écoles de platoniciennes et aristotéliciennes sous les Byzantins !?! donc je comprends pas votre analyse !?!
    Je vous signale que les Byzantins sont la continué de l’empire romain.
    Il n’y a pas eu de « moyen-age » comme en occident,eux ils étaient en pleins essors dans tous les domaines.
    Désolé pour mes remarques vite fait, mais un byzantiniste ne serait pas du tout d’accord avec vous.
    Je vous invite à voir ou revoir le concile de Florence de 1439.

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  25. Bonjour, moi je me fous pas mal de Zemmour, qu’il meurt dans son jus de ressentiment en putréfaction… par contre, je voulais juste revenir sur ce passage :
    « Écrire que la première croisade ne se comprend que par rapport à la chute de Constantinople en 1453 peut sembler fondé : en réalité, c’est tout aussi absurde que si on écrivait « la politique fiscale du cardinal de Richelieu est entièrement justifiée par le krach boursier de 2008 ».

    Et pourtant… il me semble qu’il y a un travers de l’historiographie à la française, qui voudrait que les époques soient découpées en tranche, et que toute histoire comparée, uchronique, ou non-linéaire ne soit que pure hérésie et un non sens « scientifique » (la science pour parler d’histoire, bof…), là où dans le monde anglo-saxon ces pratiques sont non-seulement tolérées mais largement utilisées et remplies de richesses fécondes.
    Du coup, dans cet exemple là, je ne trouve absolument rien de choquant à dire que Richelieu sera d’une certaine manière responsable du crack boursier de 2008. En effet, Richelieu, la Révolution Française, et si on remonte ; la Scolastique, la réforme Protestante, la Renaissance, vont peu à peu amener le développement du capitalisme, puis du capitalisme financier, et donc… des crack systémiques à répétition que l’on connait depuis un siècle ou deux.
    Pourquoi s’empêcher de dire cela ? au nom de quelle « idéologie » ou de quelle « pratique autorisée ou non » dans les milieux historiens ? C’est con car ça permet surtout de « protéger » les figures héroïques de notre civilisation finalement. Alors qu’elles sont souvent largement responsables de l’apparition du capitalisme, plus grand fléau que l’humanité n’ait jamais eu à affronter.

    Je trouve ce blog super, loin de moi l’idée de faire des accusations méchantes, c’est vraiment une question qui me perturbe, car je trouve que les principes à la françaises bloquent plus qu’elles ne protègent la pensée.

    Bien à vous

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    1. Bonjour !

      Ce sont des remarques très intéressantes. En fait je pense qu’il faut bien distinguer deux choses. Ce que vous mettez en avant, c’est plutôt une histoire sur la longue durée, qui permet en effet de mettre en avant des continuités et des conséquences : de ce point de vue, on peut en effet rapprocher des phénomènes éloignés dans le temps (comme Richelieu et le krach boursier).

      Par contre, ce que fait E. Zemmour et qu’on critique ici, c’est une approche téléologique, c’est-à-dire qu’il lit les événements à partir de la fin. On peut dire « Richelieu contribue au développement d’un capitalisme financier qui existe encore aujourd’hui malgré les krachs à répétition » ; par contre ça n’a aucun sens de dire « malgré le krach de 2008, Richelieu décide de développer un capitalisme financier ». Or c’est précisément ce que fait Zemmour quand il dit que la première croisade (1099) ne se comprend que par rapport à la chute de Constantinople (1453), comme si les croisés de 1099 partaient pour éviter que Byzance tombe aux mains des Turcs (ce qui en 1099 n’est pas du tout à l’ordre du jour). Bref, il déforme les événements en prêtant aux acteurs historiques (de 1099) des intentions qui n’apparaissent que bien après.

      Je ne sais pas si ma réponse est très claire…

      Bien à vous,

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    1. Et non : E. Zemmour manipule les faits, déforme les sources, ignore l’actualité de l’historiographie, commet des erreurs grossières ; nous sommes des scientifiques, suivant une méthode de travail bien établie qui permet, sinon forcément de faire émerger « la vérité », du moins de proposer une vision critique. Ce n’est donc pas du tout un « match nul » : nous ne jouons ni dans la même division, ni, à vrai dire, au même sport.
      Jeu, set et match.

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      1. Bonjour, je lis votre site depuis peu, je l’aime beaucoup, et je suis bien évidemment de votre côté CONTRE Zemmour et autres sous-populismes. En revanche, je pense que vous devriez vous méfier de votre prétention scientifique à l’égard de l’histoire. Dans le livre classique « Les Grecs ont-ils cru à leur mythe », Paul Veyne rappelle en introduction que les notes en bas de pages dans les livres d’histoires sont apparus au 18ième siècle, tout comme l’hygiénisme et les débuts de la psychanalyse, ou de ce que Foucault nommait la « Volonté de Savoir », la Libido Sciendi en d’autres terme. Jusque là, à chaque fois qu’un historien faisait des notes en bas de pages, on lui disait du genre : « mais qu’est ce que tu cherches à prouver avec tes notes ? que tu as raison scientifiquement ? « . En effet, l’histoire, même si elle utilise les sciences pour « connaitre », « savoir », ne seront jamais autre chose qu’une façon de raconter le monde de manière mythologique. Je sais bien que les français répugnent à la moindre possibilité de mythos, mais pour autant, on ne peux éliminer quelque chose qui existe… Vous-même être emplis de mythos, mais vous l’ignorez peut-être en préténdant faire de la « science », mais dans le fond, en bon être humain comme les autres, vous êtes dans le mythe, même si cela est la mythe de la science. Voilà, j’adore ce blog, j’adore vous lire, mais ce côté « scientifique » de l’histoire me dérange. Mais nous sommes là pour échanger, et c’est bien cela qui est passionnant. Bien à vous, et courage, et surtout continuez à mettre en colère les populistes bas de gamme.

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      2. Bonjour Florent,

        Merci pour votre commentaire. Je suis totalement d’accord avec vous, mais à vrai dire quand on dit que l’histoire est une « science », on ne dit rien de plus que ça : on essaye de dire du vrai, en s’appuyant sur une méthode (travail critique des sources, relecture des pairs, etc), tout en ayant conscience et en disant le plus clairement possible que finalement on ne produit qu’un discours. Je ne sais pas si on peut dire que les historiens et historiennes sont « dans le mythe » (encore faudrait-il définir ce qu’est un mythe…), mais en tout cas nous essayons en effet de raconter le monde passé, avec la part de flou, d’imprécision, d’erreurs que cela suppose forcément.

        Meri pour vos encouragements en tout cas !

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  26. Bonjour et merci pour cet article très intéressant, bon j’arrive un peu après la bataille mais je connais le site depuis peu.
    Je ne vais pas revenir sur les polémiques.
    Mais je n’ai toujours pas compris quand et comment s’est fait cet apport grec des arabes vers les croisés. Ce sont les grecs chrétiens d’orients qui ont transmis ce patrimoine grec vers les croisés ?
    Ensuite j’aurai aimé savoir ce vous pensez de ces historiens des croisades, et savoir ce qu’ils ont apporté de différent en mieux ou en moins bien par rapport à René grousset :
    Jean Flori, Joshua prawer, riley-smith, Cahen, Régine pernoud, Cecile morrisson, Robert delort, Jacques Le Goff, André vauchez, michel balard, jean chélini, vincent gourdon, jean favier, Solange Martin, main maalouf, jean richard, Gérard nahon. Mercier par avance.

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    1. Bonjour, merci pour votre retour !

      Pour l’apport des connaissances grecques : en réalité les croisades ne jouent pas vraiment (elles jouent un peu, car elles permettent à des savants occidentaux de venir étudier plus facilement en Orient, mais ce mouvement de transfert des connaissances avait commencé avant). Les Chrétiens d’Orient jouent un rôle important en effet, tout comme les communautés juives, en Orient comme en Occident.

      Sur les historiens et historiennes, c’est dur de répondre en peu de mots. Je ne vais pas faire un classement en mieux/moins bien mais simplement rappeler qu’ici vous citez quatre catégories différentes d’auteurs et autrices :
      – des spécialistes des croisades, comme Joshua Prawer, Jonathan Riley-Smith, Claude Cahen, Jean Richard, dont les travaux sont évidemment extrêmement solides (ce qui ne veut pas dire bien sûr qu’ils n’ont pas été critiqués !).
      – des médiévistes, non spécialistes des croisades, mais qui ont écrit des choses très bonnes sur les croisades, comme Jean Flori (spécialiste de la chevalerie), Cécile Morrisson (byzantiniste), Michel Balard (spécialiste des communes italiennes en Orient).
      – des médiévistes pas du tout spécialistes des croisades qui n’ont pas vraiment écrit sur ce thème, comme Jean Favier, Le Goff, Régine Pernoud, Robert Delort, Gérard Nahon.
      – enfin, des auteurs non historiens dont les travaux doivent être pris avec davantage de précaution : Aamin Maalouf en particulier.

      J’espère que cela répond (un peu) à votre question !

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      1. Bonjour,
        Pardonnez-moi de m’incruster dans la conversation, Régine Pernoud est une médiéviste certes non spécialiste des croisades, mais elle a écrit des ouvrages de qualité sur ce thème, je recommande tout particulièrement « Les Hommes de la Croisade » qui est un remarquable travail de synthèse et de vulgarisation.
        Ce livre m’a fait découvert le sujet et a allumé les flammes de la passion, je trouve personnellement qu’il est parfait pour débuter et donner une perspective générale sur ce thème passionnant (au passage je recommande également « Croisade et croisés au Moyen Âge » d’Alain Demurger qui est aussi un bon travail de vulgarisation).
        J’ajoute que Régine Pernoud fait preuve d’une remarquable impartialité, contrairement à d’autres auteurs qui sont pourtant considérés plus spécialistes, c’est une qualité qui mérite d’être soulignée.
        Régine Pernoud a également beaucoup écrit sur la condition des femmes au Moyen Âge, et un de ses ouvrages s’inscrit justement dans les croisades  » La femme au temps des croisades  » (personnellement je l’ai trouvé moins bon que le premier).

        Bonne journée,

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  27. Merci pour votre commentaire Florian et Gauthier aussi.
    Si je peux me permettre de vous titiller, florian, je n’ai pas très bien compris en quoi René grousset pense à l’invasion asiatique en 1934 (donc je suppose l’invasion de Staline) qui ne se produit qu’en 1945 et je n’arrive pas à bien comprendre pourquoi vous critiquez zemmour qui part de la fin pour justifier le début (la prise Constantinople par les sarrasins) alors même que Constantinople repoussait les assauts sarrasins depuis avant 1097 donc sa prise par les sarrasins était une simple inférence.
    Et si je peux me permettre une deuxième dose de tillage, concernant le massacre des juifs en Espagne par les dirigeants sarrasins en comparatif au massacre juifs en Rhénanie par les croisés, vous dites que le deuxième est pire que le premier car il s’en prend à une religion et le premier vient suite à une insoumission à l’autorité (si j’ai bien compris ce que vous avez dit) alors que j’ai lu que le deuxième massacre vient du fait que les croisés ont voulu convertir de force ces juifs qui ont refusé donc on revient exactement comme au premier cas, c’est à dire un massacre intervenant suite à une insoumission face àne autorité.
    Bon voilà les choses que je voulais éclaircir avec vous. Mais dans tous les cas, même si la discussion à commencé en 2018, elle est toujours aussi passionnante.

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    1. Bonjour Julien !

      En réalité quand R. Grousset parle de « l’invasion jaune » il ne pense pas du tout à l’URSS mais bien à la Chine : c’est ce qu’on appelle le « péril jaune », une croyance diffuse à l’époque, entretenue à la fois par la perception de la croissance démographique en Asie et par un grand nombre de stéréotypes orientalistes. Donc clairement pour Grousset le « danger » c’est que l’Europe soit envahie par des Asiatiques (d’où son travail sur les Huns et les Mongols, dans lesquels il voit un schéma récurrent). C’est pour cela que c’est ironique de voir E. Zemmour récupérer Grousset : les deux fantasment sur une invasion venue de l’est, mais n’ont pas le même « ennemi » en tête…

      Deuxième chose : partir de la fin pour penser des phénomènes s’appelle un jugement téléologique. C’est toujours très difficile de ne pas en faire mais il faut faire attention : a posteriori, c’est facile de reconstruire une cohérence. Donc c’est facile, comme le fait Zemmour, de dire que les croisades « ne se comprennent » que par rapport à 1453 : mais c’est totalement faux, car en 1097 les croisés ne pensent pas du tout que Constantinople, reine des cités, à la tête d’un empire byzantin qui est à ce moment-là à nouveau dans une phase dynamique et conquérante, puisse être conquise par les Sarrasins…

      Troisième chose. Il y a eu beaucoup d’écrits sur la différence entre les pogroms en Rhénanie et les massacres de Juifs dans la péninsule Ibérique. Pour aller vite, en effet, la différence essentielle vient du fait que les croisés veulent convertir de force tous les Juifs (ce qui s’inscrit dans une volonté globale de purifier la chrétienté), alors que les musulmans qui tuent des Juifs en 1066 à Grenade ne veulent pas les convertir, ils veulent les forcer à respecter le pacte de la dhimma. Dans le premier cas, c’est l’existence des Juifs en tant que Juifs qui est inacceptable ; dans le deuxième cas, c’est le fait qu’il y ait des Juifs riches et arrogants qui est inacceptable. Je simplifie un peu mais en gros c’est ça et j’espère que c’est plus clair ainsi !

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      1. Le comte de Toulouse qui avait aidé militairement certaines cités espagnoles à se libérer des sarrasins pensait peut-être que frapper à l’épicentre de l’islam aiderait les chrétien à repousser les sarrasins. Il me semble que c’est ce que René grousset sous-entend, mais ce n’était probablement que son point de vue.

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  28. Ils accusent Zemmour de faire de la politique avec de la (mauvaise) histoire (et c’est un fait, ils en apportent d’ailleurs des preuves, certaines très mauvaises, mais d’autres beaucoup plus convaincantes), mais ne font-ils pas la même chose quand, en purs sophistes, ils innocentent l’islam du jihad par la récupération et la manipulation de l’affaire Breivic ? Leur travail, malheureusement, n’est pas au service de la vérité mais uniquement du politiquement correct…

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    1. Cette accusation de « sophisme » n’a pas lieu d’être. Nous ne faisons qu’appliquer aussi bien que possible la méthode historique qui nous a été enseignée pendant des années par des universitaires qualifiés (de tous bords politiques, soit dit en passant), en nous appuyant sur des travaux solides, fondés sur la lecture des sources historiques et reconnus au plan scientifique.

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      1. Bonjour, justement, c’est bien là que le bas blesse : ces fameuses « méthodes » universitaires à la française, pour connaitre un peu, sont très contraignantes, et permettent peu de spéculations et de profondeurs, et pour autant, au nom d’un dogme scientifiste et rationnaliste, verrouille pas mal de points historiques, car issu de la révolution capitaliste de 1789. Ces « méthodes » sont donc issu du monde juridico-marchand installé à la révolution, qui s’obstine par exemple à découper l’histoire en tranche, ce qui permet précisément de ne pas pouvoir comparer notre monde à celui de l’Empire Romain, qui sont pourtant nos ancêtres les plus directs, surtout depuis la Renaissance… Ces méthodes sont également produites par ceux qui se sont permis d’enseigner à l’école républicaine le fait que le moyen-age était une période obscure et barbare… Du coup, ben… quand vous citez cet méthodes pour justifier de votre travail, je vous rappelle simplement que ces méthodes sont issus d’une idéologie, et que cette idéologie opère de manière parfaitement hypocrite et invisible en fait… Encore une fois, j’aime beaucoup ce blog, mais vos réponses qui se justifient d’une science issu du capitalisme juridico-marchand et mensonger, me rendent très perplexe…

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      2. Pour répondre à votre remarque, les méthodes historiques ont une histoire longue et complexe, jalonnée de débats scientifiques qui ont souvent donné lieu à plusieurs courants méthodologiques différents. Ces méthodes ne se réduisent absolument pas à une idéologie issue du « capitalisme juridico-marchand ». A ce sujet, je vous renvoie à ces deux ouvrages collectifs qui font le point sur l’évolution des manières de faire et de considérer l’histoire (ce qu’on appelle « l’historiographie ») : http://www.folio-lesite.fr/Catalogue/Folio/Folio-histoire/Historiographies
        Concernant le « dogme scientifiste et rationaliste », il a largement été remis en question depuis plusieurs décennies, notamment dans le sillage des travaux de Michel Foucault en ce qui concerne les sciences humaines. Aujourd’hui, plus aucun historien sérieux ne se réclame de ce dogme. Le recul critique fait désormais partie intégrante de la démarche scientifique, ainsi que le rappelle ce livre très accessible : https://www.editionsladecouverte.fr/les_sciences_ca_nous_regarde-9782359250695
        D’ailleurs, cela fait longtemps que le fait de découper l’histoire en tranche a été remis en question : https://www.seuil.com/ouvrage/faut-il-vraiment-decouper-l-histoire-en-tranches-jacques-le-goff/9782021106053 Plus aucun séminaire de recherche sérieux n’est dupe du découpage artificiel en plusieurs périodes historique que l’on continue cependant d’utiliser pour des raisons pratiques. Même dans le secondaire, dès la classe de seconde, on apprend aux élèves que ces découpages sont contestables : https://www.lelivrescolaire.fr/page/6815513
        N’oublions pas non plus que la seconde moitié du XXe siècle a été un grand moment de la recherche publique, avec des financements significatifs et une volonté de séparer le monde universitaire des logiques de marché. Rien à voir donc avec une recherche qui serait prisonnière d’une idéologie capitaliste.
        Plus largement, le monde universitaire constitue (et doit constituer) un espace de liberté de réflexion et de débat contradictoire. Les « spéculations » peuvent donner lieu à des querelles d’interprétation parfois très vives et très sophistiquées (par exemple, pour les médiévistes, autour du sujet de la mutation de l’an mil ; pour les contemporanéistes sur la notion de consentement dans le cadre de la 1ère Guerre mondiale : https://journals.openedition.org/labyrinthe/217?lang=en ). La manière même dont on écrit l’histoire afin de transmettre la connaissance est sujette à interrogations : https://www.seuil.com/ouvrage/l-histoire-est-une-litterature-contemporaine-ivan-jablonka/9782021137194
        J’espère avoir pu vous apporter quelques éléments pour saisir un peu mieux la grande diversité du monde universitaire et de ses méthodes à travers l’histoire. Même si cela peut sembler un peu technique, c’est un sujet essentiel pour la bonne santé démocratique d’une société.

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      3. Oui, merci beaucoup pour cet effort. Et merci pour toutes ces références. Cependant je serais curieux de savoir s’il existe des débats autour de la question de la différence de liberté de méthode et donc de résultat entre les universités françaises et anglo-saxonnes. « Caliban et la Sorcière » par exemple, qui remet pas mal en cause l’imaginaire de la Renaissance a mis des années, voire de décennies avant d’être traduit en France, soi-disant parce qu’il ne remplissait pas les critères universitaires français. Et comme par hasard le livre remettait fortement en question la modernité et la civilisation libérale post-renaissance, et donc, les origines de la révolution française d’une certaine manière. Je trouve ça toujours curieux comment les critiques à la française de la « forme » sont bien pratiques pour camoufler les critiques de « fond »… Que pensez-vous du cas Caliban par exemple ?

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  29. Je veux bien remettre en cause les propos du Z mais a un moment il faut faire un effort. Je me suis arrêté au premier « .e.s » vous avez perdu toute crédibilité, commencez par parler français.

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    1. Pardon, mais je trouve très pertinent le fait d’interroger E.Z sur sa vision du christianisme… Malheureusement, peu d’historiens de gauche en sont capables car ils sont souvent ignares en théologie…

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      1. Quant à l’écriture inclusive, elle est intéressante tant qu’elle parvient à tordre enfin cette langue impériale qu’est la langue française. Par contre elle (l’inclusivité) devient cauchemardesque quand elle devient académique. Les textes entièrement inclusifs sont illisibles. Je préfère utiliser l’inclusif quand cela fait sens à un moment du texte. Et d’ailleurs autant au niveau du genre que de la pluralité. Et je vous invite à vous méfiez de ce travers si français de critiquer la forme pour mieux ignorer ce qui dérange dans le fond. Je connais par coeur ce travers français, et les fautes d’orthographe en sont le meilleur exemple. Une lettre de syndicaliste en grève comportant des fautes sera ridiculisé alors que dans le fond il a raison…

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